Tribune – Jacky Dahomay | On s’interroge beaucoup ces temps-ci sur la montée de la xénophobie –tout comme du populisme d’ailleurs qui lui est souvent associé- qui frappe maints pays relevant de la tradition démocratique occidentale. La xénophobie est avant tout un sentiment et, en tant que tel, relève du registre des affects ou des passions. Mais encore faudrait-il préciser. Nous voudrions montrer que la xénophobie s’inscrit dans une tonalité affective particulière que l’on nomme l’angoisse dans un rapport particulier au politique.
On connaît la distinction entre l’angoisse et la peur. La peur a un objet précis. Je marche dans la forêt, un lion surgit, j’ai peur. Dans l’angoisse, je ne sais pas ce qui m’angoisse. Si on me pose la question, je réponds tout. C’est-à-dire ? Rien. C’est que tout, équivaut à rien ; la totalité du monde sombre dans le néant, dans le non- sens. Qu’on nous pardonne ces petits rappels, quelque peu de nature professorale. Mais plus sérieusement, on pourrait, au-delà de Heidegger et de Sartre, repenser le rapport entre l’être et le néant mais non pas strictement dans l’existence individuelle, mais surtout dans celle de l’existence collective politique.
La xénophobie est sans doute une angoisse qu’on transforme, selon un processus psychologique connu, en peur. Qu’est-ce donc qui peut angoisser les peuples en ce moment ? L’existence commune politique est angoissante. C’est comme si le lien social politique, qui s’était élaboré au cours des siècles à l’opposé de liens sociaux pré-politiques (religieux ou ethniques), ne fait plus sens aujourd’hui. La crise sociale aggrave la demande ou l’angoisse du sens politique de l’existence collective. Les Etats sont affaiblis, la rationalité économique (qui ne peut être le lieu du sens) prétend gérer l’intégralité de l’existence humaine, la rationalité éthico-juridique se délite, on peine à penser une morale commune ou civique, la morale religieuse est revendiquée par des leaders politiques, les jeunes ont le choix entre la réussite individuelle à tout prix (ce sur quoi se fonde Macron) ou au contraire la désespérance, le nihilisme que leur offre Daech pour l’instant mais on peut s’attendre aussi à d’autres offres et à l’apparition de groupes terroristes d’extrême droite ou d’extrême gauche. Le social est gros de lourdes violences à venir.
Au plan collectif, il faut trouver un ennemi intérieur qui puisse transformer l’angoisse en peur. Hier, ce fut le Juif, aujourd’hui c’est le musulman, en Angleterre c’est le polonais, aux USA, le mexicain. On produit donc une division ennemi/ami qui fait le lit de tous les populismes. Au plan international, le délitement du politique entraîne l’affaiblissement extrême de tout ce qui pourrait relever du droit international et a fortiori des droits de l’homme et l’ONU devient un machin inutile. Les relations internationales tendent désormais à s’inscrire dans le seul registre de la rationalité instrumentale, dans celui du deal comme dans la Mafia, ce qui produit un cynisme radical avec Trump et Poutine et qu’un Chateaubriand aurait qualifié de « cynisme des chiens ». Mais au plan des nations, on risque de voir s’épanouir une transition des démocraties vers des autocraties, avec l’obsession sécuritaire et l’état d’exception, ce qui a commencé en Turquie et pourrait menacer les Etats Unis et d’autres pays européens.
Mais les premiers penseurs du politique, les philosophes grecs, avaient aussi compris que le lien social politique (il faudrait vraiment saisir sa spécificité) produisait aussi un autre type de subjectivité, un autre rapport au discours, à la vérité. Le parler vrai de Socrate n’est pas forcément l’énoncé d’une vérité mais il est déterminé par le souci de vérité. Le délitement du politique produit par le néolibéralisme entraîne, avec ses moyens de communication sophistiqués, un rapport que certains appellent la « post-vérité » engendrant une dégradation de la société civile et de la communauté des citoyens avec des groupes de « communicants » séparés et devenant des loups les uns pour les autres. En ce sens, dire la vérité n’est pas l’objectif, il s’agit de parler faux en l’assumant dans l’espace public. Et nous avons Trump. Il ne faudrait pas prendre ce dernier pour idiot. Lui, aussi bien que ses supporters, savent qu’il parle faux. Mais ils s’en fichent. C’est le parler faux qui est payant et qui est revendiqué avec une arrogance jusqu’ici inconnue dans l’histoire des démocraties occidentales.
On dira qu’on qu’est mal barrés. C’est vrai mais notre vigilance citoyenne -ou ce qui veut en rester chez nous- commande de ne pas transformer notre angoisse en peur. Car l’angoisse, Sartre l’avait vu, est aussi le signe de notre liberté. Que faire alors, si nous voulons remobiliser nos libertés ? Redonner sens au politique oui mais comment ? On nous pardonnera sans doute de n’avoir pas la réponse à la question. Elle ne sortira pas de la tête d’un seul citoyen.
Commençons toutefois par mettre en commun nos paroles et nos actes (pour parler comme Hannah Arendt) et redynamisons la société civile. Là peut croître ce qui sauve. Sinon, attendons la catastrophe, elle pourrait être régénératrice. Reste aussi les arts et les lettres. Ecouter, comme l’a fait Glissant, le « bruit du monde » qui est aussi celui de la trace constituant un autre imaginaire, celui du Tout-monde, où l’identité n’est plus pensée comme racine unique et où s’élabore un autre rapport à l’autre, une nouvelle poétique de la Relation, loin des angoisses identitaires produisant des xénophobies destructrices. L’Europe devrait repenser l’histoire de son rapport à l’autre, ce par quoi elle a conquis le monde. Ceci est nécessaire à une nouvelle fondation de la république, loin des crispations identitaires de toutes sortes et en éliminant du républicanisme français son nationalisme insistant, cette sorte de théologie laïcisée. En ré-instituant une instruction publique, chère à Condorcet, loin d’une éducation nationaliste avec ses récits réducteurs comme celle s’inspirant souvent de Jules Ferry, loin aussi d’une tradition socialiste réduisant l’école à une simple question sociale en occultant ainsi sa dimension symbolique institutionnelle fondamentale. La crise du politique est nécessairement celle aussi des institutions fortes de la société.
Plus fondamentalement : au-delà de Glissant, il faut aussi penser une politique et un droit de la Relation qui devrait accompagner le nouvel imaginaire proposé par l’écrivain martiniquais. En ce sens, le spectacle ou les engagements dans la politique ne devrait pas masquer l’interrogation nécessaire sur le politique. Ce qui fait défaut à la gauche. L’obstacle théorique qui la taraude peut être cherché dans les deux théories du peuple qui accompagnent sa tradition. L’une, réside dans une conception populiste ayant dominé surtout l’Amérique Latine, l’autre dans la tradition marxiste. Il y a une vérité du populisme, quand il exprime les souffrances des couches populaires que la politique ne prend pas en compte. Il y a un danger du populisme quand les réponses qu’il donne au plan de la politique rate ce qui dans le politique est lieu du sens du vivre ensemble, ce qui provoque un malencontre symbolique. Il y a une vérité du socialisme de tradition marxiste quand il dévoile la réalité de la lutte de classes et de l’exploitation capitaliste. Son erreur est de réduire tout le politique à la seule expression de l’infrastructure économico-sociale donc de ne pas comprendre que le politique est aussi la fondation d’un sens symbolique du lien collectif, quand il ne s’appuie plus sur le religieux. Cette erreur conduit les classes populaires, en une sorte de servitude volontaire, à suivre des politiques populistes mortifères.
Repenser le politique, c’est ce à quoi nous invite la crise profonde que nous traversons, lourdes de tragédies à venir. Peut-être faudrait-il tout reprendre, depuis Platon et réinterroger la tradition en fonction de nos préoccupations présentes. Cette tâche incombe à de plus jeunes que nous. Mais en vérité, l’histoire n’attend pas et les bruits du monde risquent d’être plus assourdissants qu’on ne le croit. Telle est notre tragédie.
La philosophie politique me barbe…Politiser la philosophie aussi….
Je vais moi aussi inventer un point. Il y a eu le point Godwin. Si on inventait le point « médiacratie » ?
Le point BFMITELEFRANCE2 veut que plus la discussion s’éternise et plus on a de chance pour qu’un intervenant prononce le mot « populisme ». En lisant cette tribune je dis un point ! un point BFMITELEFRANCE2 de plus.
Désolé cher ami. Je suis marxiste ET POPULISTE. Le mot « peuple » n’est pas un gros mot. Oligarchie financiaro-journalistique en revanche est un gros mot. Quand nos « mierdas » n’ont plus rien à vous dire ils vous traitent de populiste. Ce qui me rassure c’est que le Medef, Macron, le PS et les mierdas traitent Mélenchon de populiste. A la qualité des insulteurs c’est donc devenu un compliment voire un honneur !
Le populiste et le peuple dont je suis proche vous souhaitent de bonnes présidentielles.
Nota: j’ai toutes mes dents (allusion Hollande) je ne suis ni illettré ni dépendant au tabac, ni alcoolique (Macron).Amitiés populistes.
Pour trier tout cela les voeux de JL Mélenchon.
http://melenchon.fr/2017/01/05/voeux/
L’émergence d’une Conscience Politique Antillaise pourrait se propager au monde, si ce dernier n’était sourd et aveugle…
Cependant, nous ne sommes pas exonérés, par nos âges vénérables, d’obligatoirement laisser cette « tâche (…) à de plus jeunes que nous », nonobstant le fait qu’il faille, à mon humble avis, obligatoirement instaurer l’enseignement de la philosophie dès les premières années à l’école.
La Pensée n’a pas d’âge, et tout le monde, quel que soit le nombre de ses années, comme vous l’avez fait et le faites encore, devrait se saisir de la sienne
Par rapport à la conclusion de votre excellente analyse, sur le fait qu’il faudrait peut-être « tout reprendre depuis Platon », je ne suis pas d’accord.
Nous n’avons pas perdu la mémoire à ce point, tout de même !
Sans même parler du fait que certains trouvent qu’on se réfère déjà trop aux « gran greks » …(petit clin d’œil à un contradicteur qui se reconnaîtra
).
Pour ma part, je partirais d’Heidegger, que vous convoquez brièvement, car sa pensée est fascinante, et elle a inspirée une grande partie de la philosophie contemporaine.
Notamment, sur le thème de la « Technique », qui est le propre de nos civilisations depuis que l’Homme se l’est appropriée, il considère que son paroxysme actuel n’a pas de but autre que l’accroissement de sa propre volonté de puissance.
La politique actuelle, finalement, et peut-être malgré elle, dans le grand système mondialisé qu’est devenu le capitalisme, pérennise un monde de la Technique, « sans but ».
Pourquoi faire ?
Quel est le projet ?
L’accroissement indéfini des forces productives pour…le profit (uniquement au bénéfice de quelques uns, de surcroît) ?
Il n’y a pas, en fait, de vraie finalité.
C’est cette réflexion qui a fait adhérer Heidegger au nazisme: il y a trouvé là un projet.
Celui de faire émerger une « race supérieure ».
Le seul « projet », malheureusement, qui ait eu, à ses yeux, une justification à la frénétique activité humaine déjà mondialisée, »bipolaire » à l’époque, entre un système capitaliste et l’autre communiste, n’ayant chacun d’eux comme unique objet d’être plus puissant que l’autre.
Maintenant que seul le capitalisme, désormais, reste dans la course à la puissance, repenser la Politique serait, à mon sens, inventer un projet à ce point digne qu’il y fédère la population mondiale dans sont ensemble.
Un « lien collectif », comme vous le nommez, qui puisse assurer la survie d’une espèce qui n’a d’autre choix que d’émerger de sa chrysalide pour continuer à vivre, sans avoir peur…d’elle-même.
Quoi qu’il en soit, merci d’avoir partagé votre article, d’un inestimable intérêt.
Bien à vous
je ne suis pas grand grek, mais les quelques réminiscences en histoire qu’il me reste encore me font rappeler que pour Napoléon , fin stratège , le concordat été pour lui une manière de réduire le pouvoir dominant du clergé . Cette confrontation idéologique historique a eu une forte influence sur la promulgation de son code qui avait pour but inavoué de soumettre la religion à sa vision progressiste de l’époque.
Pas d’antinomie donc, la religion de ce fait devait être occulté pour faire accréditer l’idée de transition de pouvoir.
« Le parler faux ,n’est-il pas la panacée » qui fait qu’on assiste depuis bien longtemps à un délitement de la société? Et où la réussite individuelle, paradoxalement, est devenue un objectif pour beaucoup.
Réussir à tout prix même si on est le seul à survivre.Même si rien n’ est mis en place pour l’épanouissement des citoyens ou quand ils existent, seule une partie en profite.
Qu’en est-il de de l’existence collective, sociétale et politique? On cherche un bouc émissaire. L’ennemi intérieur est trouvé. Tout en étant désigné, il n’est pas le seul à en pâtir. La société toute entière où les » pour et les contre », avec son lot d’agressions, d’injustices et d’attentats qui détruisent un pays, des innocents.Non seulement le problème n’est pas résolu; certains dirigeants, plutôt que de s’associer et harmoniser une riposte collective internationale, ils se laissent tenter effectivement par le deal qui n’est qu’une solution partielle entre quelques uns. Ces deals, ces manquements qui entraînent frustrations, désespérances qui appellent des tragédies. La peur, la haine, le rejet de l’autre, l’isolement. La xénophobie s’installe . Argument, même pour les plus illustres et dignes responsables de certains Etats. Quant à l’ONU, ses recommandations sont-elles équitables? Ne favorise t-il pas certains au détriment d’autres? Ce qui accroît les ressentiments.
Le tout monde de GLISSANT, sans doute ne l’ai-je pas bien compris,ne pourrait-il pas apporter des éléments de réflexion sur la manière de repenser la politique? Avec qui entamer ce travail?
La pensée de PLATON qui privilégiait toutes les pensées, d’où qu’elles viennent peut-elle permettre un chemin ou est-elle trop vieille pour être retenue? En tout état de cause, le redressement ne doit pas être confié seulement aux plus jeunes mais, à un conglomérat de personnes responsables et de bonne volonté. Il y a urgence mais mise à part la philosophie qui permet de constater le malaise de la société qui s’aggrave de plus en plus, comment privilégier une prise de conscience forte et déterminée?
Cher Nicolas,
Je suis désolé d’avoir à le dire, malheureusement, mais « (…) privilégier une prise de conscience forte et déterminée… » dépendra de l’état de délabrement de notre civilisation.
C’est triste, mais ce sont, pour l’instant, les faits.
Dans l’état actuel des choses, rien, à part la raréfaction des ressources entraînant des conflits à n’en plus finir, de plus en plus intenses, les catastrophes écologiques aux conséquences permanentes, et un partie croissante de la population mondiale se trouvant démunie, ne pourrait faire émerger quelque prise de conscience que ce soit.
Il faudra que la désespérance humaine atteigne un stade à ce point paroxysmique que nous nous trouvions à choisir entre le suicide collectif, ou une volonté de vivre de l’espèce qui la transfigure au point d’élaborer, dans un élan salvateur, un projet cohérent pour tout le monde, régénérateur, et fiable à travers le temps.
J’ai l’intime conviction que l’avenir de l’Humanité se trouve dans la conquête des étoiles, puis de sa galaxie, puis de l’amas galactique auquel elle appartient, dans le fil d’un processus s’étendant sur plusieurs millions d’années.
Comme un futur possible prophétisé par l’astronome russe Nikolaï Kardashev, et son échelle du même nom.
Mais, il faudra attendre que le pire arrive.
En espérant qu’il ne soit pas irrémédiable.
C’est ma vision de l’avenir: après un « choc » civilisationnel et écologique violent, ça passera, ou ça cassera.
Mais on ne pourra pas, au point où l’Humanité en est, recommencer, et remettre les compteurs à 0.
Surtout s’il ne reste rien.
Je ne suis pas d’accord avec Albert ! Je pense très honnêtement qu’il suffirait que chacun adopte sa philosophie pour que tous les moïse de la s’auto élimine …comme sur pp. Je suis ALBERT !
Attendre un état de délabrement de notre civilisation pour une prise de conscience forte et déterminée, n’est-ce pas, pour tout dire, être dans une période totale de découragement laissant place au défaitisme, au laisser aller, interdisant toute réaction pour la recherche de solution?
La raréfaction des ressources avec des conflits permanents, n’est-ce pas aller vers le défaitisme ou le chacun pour soi (débouya pa péché) . La désespérance à son paroxysme ? Ne serions nous pas déjà au point de non retour où le choix essentiel serait le suicide? Combien serions nous à vouloir élaborer le projet salvateur, cohérent et régénérateur? La confiance en nous et en l’autre ou aux autres, sera t-elle assez forte pour tenter de participer pleinement au changement?…
Bah…
Nous aurions une empathie, appelant envers l’autre un affect de l’ordre, au moins, du respect, ou de la pitié ou, au mieux, de l’amour, nous n’en serions jamais arrivés là.
Voilà ce que je constate : que ces émotions ne concernent souvent que nous-mêmes, peut-être aussi nos parents (qu’on aura préféré garder avec nous plutôt que de les laisser mourir à l’hospice), et nos enfants, quand l’éducation que nous leur avons donnée appelle de leur part un amour réciproque.
Mais l’étranger?
Il n’aura jamais, à nos yeux, la même « valeur »: nous sommes à l’ère de la réification de nos propres congénères. L’autre n’est qu’un objet, au pire, dont on va tirer la substantifique moelle pour assouvir des pulsions, prélever un organe malgré lui, exploiter sa force de travail au plus bas prix, etc., etc.
Au mieux, on l’ignore, tant qu’il ne vient pas nous emmerder.
Je force le trait pour vous dire qu’à l’échelle des relations internationales, c’est ce qui se passe.
On en est encore à la loi du plus fort, et les autres n’ont qu’à crever: cette loi s’avérera d’autant plus véridique lorsque l’on s’apercevra que, du gâteau que nous mangeons tous à pleines dents, il ne restera bientôt que de maigres miettes.
De façon individuelle, bien entendu, toute la palette de couleurs existe: nous ne sommes pas tous de parfaits salauds.
Mais…ne zappons-nous pas quand aux infos (du moins quand les médias en font état, car il y a aussi l’audimat à gérer) on nous montre des images de la misère du monde ?
Ne détournons-nous pas les yeux du mendiant (quand nous daignons le voir, _par un réflexe de curiosité ?) quand nous ne l’ignorons pas tout simplement ?
Ne privilégions-nous pas nous-mêmes, en fait, à chaque occasion ? Réponse: oui. Car c’est l’individualisme mondialisé qui triomphe, le « chacun sa merde », et Dieu, s’il existe, pour tous.
Nous sommes manipulés pour ne jamais être assouvis ni repus, d’un consumérisme effréné, et sans sens.
Nous sommes des prédateurs, en haut d’une chaîne alimentaire, pour qui la vie elle-même ne doit s’éteindre que pour notre plus grand bénéfice.
Alors forcément, à un moment donné, il n’y aura littéralement que l’autre à « prédater ».
Car il consomme, à notre place, les dernières ressources.
Ce tableau paraît pessimiste, parce que tout va bien pour l’instant (on a pas mal…).
Mais vous connaissez sans doute cette parabole :
Imaginez une marmite remplie d’eau froide, dans laquelle nage tranquillement une grenouille. Le feu est allumé sous la marmite. L’eau se chauffe doucement. Elle est bientôt tiède. La grenouille trouve cela plutôt agréable et continue de nager. La température commence à grimper. L’eau est chaude. C’est un peu plus que n’apprécie la grenouille ; ça la fatigue un peu, mais elle ne s’affole pas pour autant. L’eau est maintenant vraiment chaude. La grenouille commence à trouver cela désagréable, mais elle est aussi affaiblie, alors elle supporte et ne fait rien. La température de l’eau va ainsi monter jusqu’au moment où la grenouille va tout simplement finir par cuire et mourir, sans jamais s’être extraite de la marmite.
Plongée dans une marmite à 50°, la grenouille donnerait immédiatement un coup de patte salutaire et se retrouverait dehors.
Comme dirait Olivier Clerc (non, ce n’est pas un gran grek
):
« Cette expérience est riche d’enseignements. Elle montre que lorsqu’un changement négatif s’effectue de manière suffisamment lente, il échappe à la conscience et ne suscite la plupart du temps pas de réaction, pas d’opposition, pas de révolte.
C’est exactement ce qui se produit dans la société où nous vivons. D’année en année, on observe une constante dégradation des valeurs, laquelle s’effectue cependant assez lentement pour que personne – ou presque – ne s’en offusque.
Pourtant, comme la grenouille que l’on plonge brusquement dans de l’eau à 50°, il suffirait de prendre le Français moyen du début des années 80 et, par exemple, de lui faire regarder la TV d’aujourd’hui ou lire les journaux actuels pour observer de sa part une réaction certaine de stupéfaction et d’incrédulité.
Il peinerait à croire que l’on puisse un jour écrire des articles aussi médiocres dans le fond et irrespectueux dans la forme que ceux que nous trouvons normal de lire aujourd’hui, ou que puisse passer à l’écran le genre d’émissions débiles qu’on nous propose quotidiennement. L’augmentation de la vulgarité et de la grossièreté, l’évanouissement des repères et de la moralité, la relativisation de l’éthique, se sont effectués de telle façon – au ralenti – que bien peu l’ont remarqué ou dénoncé.
De même, si nous pouvions être subitement plongés en l’an 2037, et y observer ce que le monde sera devenu d’ici là, s’il continue de dévaler la pente sur laquelle il se trouve, nous en serions sans doute encore plus interloqués, tant il semble que le phénomène s’accélère (accélération rendue possible par la vitesse à laquelle nous sommes bombardés d’informations nouvelles et en oublions le reste). Notons d’ailleurs que les films futuristes s’accordent pour ainsi dire tous à nous présenter un futur certes » hyper-technologique » mais surtout des plus lugubres. »
Chaque fois qu’un changement est trop faible, trop lent, il faut soit une conscience très aiguisée soit une bonne mémoire pour s’en rendre compte. Il semble que l’une et l’autre soient aujourd’hui chose rare.
Sans conscience, nous devenons moins qu’humains.
Et notre civilisation s’enfonce ainsi dans l’obscurité spirituelle, avec le délitement social, la dégradation environnementale, la dérive faustienne de la génétique et des biotechnologies, et l’abrutissement de masse – entre autres symptômes – par lesquels elle se traduit.
Le principe de la grenouille dans la marmite d’eau est un piège dont on ne se méfie jamais trop si l’on a pour idéal la recherche de la qualité, de l’amélioration, du perfectionnement, si l’on refuse la médiocrité, le statu quo, le laisser-faire.
Mais, incidemment, ce principe fonctionne aussi dans l’autre sens, et même en cela il peut nous jouer des tours. Les efforts que l’on fait quotidiennement provoquent eux aussi des changements – positifs, cette fois – mais parfois trop faibles pour être immédiatement perçus ; ces améliorations sont pourtant bien là, et à ne pas les observer, certains se laissent décourager à tort.
Comment, alors, ne pas succomber au piège du principe de la grenouille dans la marmite d’eau, individuellement ou collectivement ?
En ne cessant d’accroître sa conscience, d’une part, et en conservant un souvenir intact de l’idéal et des buts que l’on s’est fixés.
Mais, en même temps, le veut-on vraiment ?
A votre avis, messieurs-dames ?
Pour contribuer à clarifier les idées, je propose d’approcher le réel en écoutant par exemple, l’ingénieur Jean Marc, JANCOVICI lors d’une conférence à l’Ecole des Ponts et haussées :
https://www.youtube.com/watch?v=o7805tvS9hc
Merci Albert pour cette pédagogie …je comprends mieux la psychologie de ce peuple de grenouille en Martinique. Amj à encore quelques mandatures devant lui pour sévir !
Que dieu lui prête vie …
Héhéhé…je pense qu’au train où vont les choses, ce monsieur n’a pas tant de mandatures à l’horizon que vous ne le pensez, très cher…
A mon avis, il y aura un sursaut des « consciences » qui se propagera, et le monde pourrait bien être surpris qu’il vienne d’un pays comme la Martinique, la Guadeloupe, ou la Guyane voire, des 3 à la fois.
Enfin, j’espère… enfin, …j’y crois.