Par Yves-Léopold Monthieux
On se rappelle qu’il avait fallu attendre le film d’Euzhan Palcy, Parcours de dissidence, pour mettre fin au silence militant des historiens sur une époque où des martiniquais avait répondu au péril de leur vie à l’appel du général de Gaulle. Jusqu’alors lorsqu’on osait lever le voile sur ce sujet tabou c’était pour lire des propos stupéfiants. Les Antillais ne seraient pas partis en dissidence pour défendre la France mais pour sauver la liberté, pouvait-on lire sous la plume d’un médecin. De même ce n’est qu’aujourd’hui que de jeunes historiennes se penchent sur la participation des martiniquais aux deux guerres mondiales.
Un documentaire et non un film historique
Camille Mauduech a pu, dans le court laps de temps utile à la réalisation de son film, réunir une large documentation et recueillir de nombreux témoignages de qualité, ce que n’avaient pas osé ou réussi nos historiens au bout de 40 années d’assidus et intenses commémorations. On s’étonne des réserves de ces derniers à l’endroit de ce film. La réalisatrice a pourtant tenu à souligner qu’il s’agit d’un documentaire et non un film historique. Les citoyens y trouveront cependant des éléments historiques qui leur manquaient pour se faire une opinion.
Le Martiniquais et l’étranger auront jusqu’alors compris que l’essentiel de l’affaire Chalvet se résumait à une tuerie organisée par le pouvoir colonial contre les travailleurs agricole qui demandaient leur dû. Le film permet de découvrir que Hilmany est mort les armes à la main. Mme Cabrimol, l’une des figures de la grève, a décrit la volonté de la victime, exprimée le matin même du jour de sa mort, d’en découdre avec les forces de l’ordre. Le lyrisme de cette ancienne ouvrière agricole a pu être forgé par les nombreuses visites militantes qu’elle a reçues pendant 40 ans. Car la dimension héroïque d’un Hilmany offrant sa vie à la cause des agriculteurs, dans un corps à corps apparemment assumé avec les forces de l’ordre, ne manque pas de romantisme. Mais cette dimension pourrait aussi corroborer la thèse de la légitime-défense dont se prévalent les gendarmes. Entre l’assassinat tellement commode pour qualifier le pouvoir colonial et la mort au combat du héros martiniquais, nos historiens refusent de choisir entre deux situations qui se contredisent, en les additionnant. Le film ne dit pas que l’un des gendarmes, ayant eu le poignet sectionné, aurait été sur le point d’être achevé (d’après des témoins « des deux bords » qui se seraient confiés au curé de la paroisse). Un silence qui ne permet pas de remettre en cause la thèse de l’assassinat.
Les silences et le poids des luttes d’influence syndicales et politiques
Un autre silence s’observe à propos de la scène rocambolesque qui s’est déroulée au sein de l’église du Lorrain, où dominait la présence de militants gauchistes arborant des drapeaux rouges. Alors que la cérémonie d’enterrement de Rénor Hilmany va commencer, des membres de la CGTM font irruption dans l’église. Le cercueil est enlevé et transporté au domicile du maire communiste de Macouba où le corps passe la nuit. L’incident est important en ce qu’il révèle le poids des luttes d’influence syndicales et politiques dans la tournure dramatique qu’a prise la grève.
Le silence le plus préjudiciable à la connaissance de la vérité est celui des médecins qui ont réalisé l’autopsie du corps de Marie-Louise. La présentation du cadavre du jeune ouvrier est l’un des moments forts du film, à la mesure de la controverse que suscite cette mort. La présence du jeune homme sur les lieux de la grève n’a pas été confirmée. Selon un témoin, il aurait été confondu avec un manifestant qui lui ressemblait. On n’a pas retrouvé ses camarades de travail. Tous ces atermoiements sont possibles parce que les médecins se taisent depuis 40 ans. Ils se sont abstenus de réagir aux avis contradictoires qui se sont prononcés et ont laissé tout dire pendant tout ce temps.
Au silence des médecins s’ajoute un manque de curiosité abyssal de la part des historiens et des journalistes. Ni les uns qui ont été des acteurs avérés ou autoproclamés ni les autres qui étaient en contact permanent avec l’un des médecins n’ont cru devoir interroger ces témoins privilégiés à propos d’un acte qui n’est pas couvert par le secret médical. Il est suggéré dans le film que le docteur Pierre Aliker aurait apposé une signature de complaisance au bas du rapport d’autopsie, répondant ainsi à la sollicitation de la représentation locale du pouvoir colonial. Provenant d’un ancien élu du PPM, proche de Césaire, qui a été mis à l’index par une indiscrétion de Wikileaks, cette suggestion a toutes les apparences de la crédibilité. Cette position est terrible pour la mémoire de Pierre Aliker, le frère d’André Aliker, dont l’assassinat dans les conditions qu’on sait aurait été à l’origine de la légende du « costume blanc ». Elle est également terrible pour « l’homme droit » en ce que qu’elle a été exprimée par un membre historique du PPM qui l’accuse implicitement d’avoir fabriqué un faux document. Est-ce la folie du grand écran, de la part de ce témoin à charge inattendu ? J’ai du mal à croire à cette version.
Je ne crois pas à un faux historique des 3 médecins martiniquais
Je ne crois pas que ces 3 médecins d’excellente réputation aient pu accepter de se prêter à un faux historique aussi grave. Je ne crois pas, par ailleurs, qu’un procureur de la République se fût risqué à une sollicitation dont le refus aurait pu avoir un effet boomerang. Je crois, au contraire, que le magistrat a sollicité une expertise collégiale du cadavre qu’après avoir recueilli la conviction du médecin-légiste. Aussi bien, j’ai confiance en cette réponse que m’a faite de vive voix l’un des trois médecins, et que j’ai évoquée à plusieurs reprises : « Tout peuple qui se construit a besoin de mythes ». Selon ce praticien, qui est aujourd’hui seul devant l’histoire à porter le secret, l’assassinat de Marie-Louise serait donc un mythe. Seul il se retrouve, en effet, après qu’on a laissé – j’allais dire précautionneusement – mourir le « grand témoin » sans que jamais la question ne lui ait été posée. Passons sous silence ce militant qui, tel un chasseur racontant ses récits de chasse, assène sa vérité dans le film en infirmant doctement les conclusions du rapport médical.
Ecoutons, en revanche, l’ancien curé de la paroisse du Lorrain dans l’interview qu’il avait accordée à l’hebdomadaire Antilla : « Ce qui m’a le plus frappé dans cette histoire, disait-il, c’est qu’il n’y aurait pas eu dégât si les syndicalistes (ou les partis politiques qui étaient derrière) n’avaient pas attisé ». Le curé avait été témoin des désaccords entre les syndicats CGTM et UGTM. Il avait mis à leur disposition, pour tenir leurs réunions, la « salle des œuvres » de la paroisse.
Une nébuleuse idéologique dite « gauchiste » fait front au PCF / CGTM
Ainsi, derrière la confrontation entre les deux syndicats CGTM et UDTM se cache mal celle qui oppose le Parti communiste et le Groupe révolution socialiste (GRS) qui vient de conquérir la mairie de l’Ajoupa Bouillon. Un troisième niveau de luttes est entretenu par des groupuscules mus par les idéologies révolutionnaires. Des boutefeux maoïstes, trotskistes, castristes se font concurrence sur le terrain, les uns soucieux de damer le pion aux autres dans la récupération politique de la grève des agriculteurs. Cette nébuleuse idéologique désignée sous le vocable « gauchiste », fait front en ordre dispersé au PCF / CGTM dont le comportement est plutôt modéré. Le terme gauchiste tient certainement au caractère maximaliste des revendications, comme l’extension des 40% à tous les ouvriers (aveu d’Edouard Delépine).
Cette atmosphère délétère est rappelée au cours de la conférence donnée ce vendredi 14 février 2014 à la Région par l’historien. S’écartant du fil rouge qui conduit généralement tout raisonnement sur l’affaire à mettre en exergue la « répression des forces coloniales », l’historien a situé le succès du mouvement syndical de Chalvet dans l’évolution du monde ouvrier. Selon lui, ces résultats, pas plus que ceux obtenus en 2009, n’ont pas l’importance historique qu’on leur prête.
Bref, il paraissait impossible d’obtenir les témoignages de gendarmes témoins des faits. Il en était de même pour les patrons de l’époque. Mme Mauduech a pu entendre les uns et les autres avant qu’ils ne disparaissent. Seuls manquent les témoignages des médecins et du procureur de la république qui, je crois, vit encore. Après les films sur les 16 de Basse-Pointe et l’OJAM ainsi que celui d’Euzhan Palcy à propos de la dissidence, je déplorais dans une tribune que l’histoire de la Martinique soit vue au cinéma avant d’être écrite. Les choses n’ont pas l’air de changer, mais profitons de ce que nous avons. On ne sait pas tout des évènements de Chalvet mais, grâce à Camille Mauduech, le chemin est ouvert aux historiens.
YLM, le 16 février 2014
Cette article montre s il en etait besoin;a quel point les historiens falsifient la vérité;quel est le but précis de cette déformation de l histoire;quel est l enjeu;l intéret de ce lavage d esprit qu avons nous gagner apres toutes ces années de mensonge;a part générer un peuple revanchard hargneux:mal dans sa peau;et j en passe;la vérité triomphe un jour ou l autre;malheureusement certains témoin a charge ou décharge ont emporter avec eux de précieux témoignages.
donc si ils sont morts ce n’est pas du fait des gendarmes, les coupables sont les indépendantistes, les gauchistes, les syndicalistes.
limite négationisme dans la démarche: le crime disparaît en mettant en avant un « coupable » virtuel
chaque fois que les forces de l’ordre tue sur des manifestants on peut ainsi dire qu’ils l’ont cherché et que les coupables sont ceux, les « manipulateurs », qui les ont entraîné à manifester
En effet ti sonson je vous rejoins sur votre analyse.
A entendre certains commentaires si nos aînés n’avaient pas lutté pour se sortir du joug de l’esclavage et se libérer le 22 mai 1848 nous serions toujours esclaves…..donc heureux pour beaucoup d’entre nous.
Nous avons l’art de ce pays à dévaloriser nos luttes ….en 2009 alors que nous étions beaucoup à battre le pavé..aujourd’hui à entendre les gens yo paté AN LARI A .
pas un mot sur la condition des ouvriers agricoles au moment des faits
pas un mot sur ce qui a été obtenu par les ouvriers agricoles
pas un mot sur l’attitude rétrograde du patronat à cette époque
pas un mot sur les gouvernements de droite qui étaient dans l’attitude la plus coloniale en servant de bras armée à l’oligarchie de la banane
il y a des oublis « historiques » qui trahissent les intentions et obsessions.
« l’assassinat de Marie-Louise serait donc un mythe »
il fallait oser
mythe: Récit relatant des faits imaginaires non consignés par l’histoire, transmis par la tradition et mettant en scène des êtres représentant symboliquement des forces physiques, des généralités d’ordre philosophique, métaphysique ou social
meurtre ou assassinat ?
Aux falsificateurs de l’histoire et à leurs complices.
Je ne veux accabler qui que ce soit dans cette affaire, mais je n’accepte pas sans réagir que ma tribune fasse l’objet de commentaires oiseux. Aussi je convie ceux qui le souhaitent à commenter cet échange ci-dessous que j’ai eu et que j’ai déjà publié à plusieurs reprises dès 2007, avec l’un des signataires du rapport d’autopsie de Marie-Louise. Ces propos sont suffisamment clairs pour susciter des poursuites, s’ils sont faux. Ils sont beaucoup plus près de l’histoire que la quasi totalité des propos qui se colportent sur les télés, les radios et les journaux.
« …
YLM : Ne seriez-vous pas le docteur X… ?
C’est ainsi que j’abordai le médecin, le 27 juin 2007, au moment où nos regards se sont croisés dans un hypermarché de Fort-de-France. Je le connaissais de vue. Il avait le sentiment de m’avoir rencontré.
Docteur X : En effet.
YLM : Je suis Yves-Léopold Monthieux …
Docteur X : (…)
YLM : Docteur, je pense parfois à vous quand j’entends certaines interprétations qui sont faites des incidents de février 1974, à Chalvet, au sujet de la mort de Marie-Louise… (hésitations de ma part). Je vous vois sourire, docteur…
Docteur X : un sourire qui en dit long ?
YLM : Oui, Docteur… qui en dit long, en effet.
Docteur X : « Tout peuple qui se construit a besoin de mythes », me confia-t-il, d’un sourire entendu. Puis me tapant l’épaule, il me tourna aussitôt les talons.
… »
Le docteur X est l’un des trois médecins qui ont pratiqué l’autopsie de Marie-Louise. Après la mort du docteur Aliker, il est seul à porter le secret médical.
Evidemment, ces affirmations du docteur X n’intéressent ni les historiens ni la presse qui se révèlent ainsi les parfaits complices de la falsification de l’histoire martiniquaise.
A force de vous prononcer sur tous les sujets, vous allez finir par vous croire dépositaire d’une pensée devant laquelle les pov ti sonson que nous sommes devraient s’incliner.
Accabler, dites-vous ? Nous le sommes bien au-delà de ce que vous pouvez penser. Accablés… de vos « tribunes » chaque fois plus « oiseuses » sur les évènements de chalvet, dont vous nous abreuvez ici même et chaque année.
Cette manie obsessionnelle à vous poser en grand manitou historique de février 74, se résume une fois de plus à une danse du scalp autour des cadavres d’Ilmany et Marie-louise.
Visiblement attristé par l’absence d’intérêt des lecteurs de PP pour ce que vous appelez un peu pompeusement « ma tribune », vous voilà contraint au racolage agressif, avec une interpellation sommant le lecteur sonsonnien « à commenter cet échange ci-dessous que j’ai eu et que j’ai déjà publié à plusieurs reprises dès 2007, avec l’un des signataires du rapport d’autopsie de Marie-Louise ».
Mais Mr ! C’est vous le « falsificateur de l’histoire » et l’échange que vous brandissez, pour tenter de racoler les posteurs est tout droit sorti de votre imagination. Encore heureux que de tels propos « suffisamment clairs pour » relever de la fiction, ne puissent se « colporter sur les télés, les radios et les journaux ».
Et puisqu’il faut bien un ptit « commentaire oiseux », j’ose demander :
Par quelle révélation vous a-t-il été donné de reconnaître le médecin en question ? Ce docteur en question serait-il l’homme sans tête ? Ou plutôt l’homme à deux têtes???
Car, entre sourire et tapotement, étrangement, « le docteur X » comble tous les désirs et attentes de « Ylm » sur cette histoire de cadavres qui le hante à chaque mois de février. Une osmose dédoublante !
Dans ce dialogue digne de tartuffe, le « Docteur X » serait-il « Quès aco » ?
« Docteur X » HA HA ! Mais à quoi pensez-vous au juste ? LOL comme dirait les jeunes.
Vous devriez mettre cette imagination ébouriffante au service du genre romanesque. A l’eau de rose si ça vous chante, mais X vous plait… Laissez donc l’histoire aux historiens, et cinéastes de TALENT…
Normal que vous prendrai la défense des gendarmes YLM, votre passé de policier vous l’oblige.
Que de mots, que de TALENT !
Qui ne parviennent pas à cacher que trop d’HEUREUX de notre vieille génération ont, une fois pour toutes et bien avant l’heure, abdiqué le pouvoir de réfléchir par eux-mêmes. Ceux-là qui ont parfois fait des études partiront sans devenir adultes. Qui paniquent à l’idée qu’on pourrait les surprendre à s’écarter des chemins moutonniers qu’on leur a tracés.
C’est aussi l’un des paradoxes de ce pays qui ont raison de l’élite de notre jeunesse et la font de plus en plus fuir ce pays ventre à terre et en masse.
C’est vrai, la Martinique vieillira de ses vieilleries et ces bienheureux de I bon kon sa et de Pa ni problèm pourront béatement emprunter son LOL à la jeunesse qui restera.
Vous devriez m’être reconnaissant parce observez bien que vos fadaises et autres dialogues imaginaires sur Chalvet n’excitent pas grand monde même avec Docteur X à la rescousse. (Re- LOL.
» Depuis l’arrivée de la gauche française au pouvoir en 1981, la droite martiniquaise, jusqu’alors épigone sans imagination, sans personnalité, professant un discours misérabiliste (…), a été incapable de se ressaisir. Constat d’un journaliste ( un vrai), l’un des plus fins observateurs de la vie politique des années Chalvet et après.
C’est parce que nous avons gagné le pouvoir de réfléchir par nous-même que nous avons parfaitement compris qu’au nom d’une idéologie frelatée, vous avez la folle prétention d’agir comme si nous étions ignorants de notre histoire… C’est à dire comme il y a 50 ans, lorsque le mot INDEPENDANTISTE était un gros mot et qu’on faisait la chasse aux militants de gauche à coup de bandes armées.
Réveillez-vous bon sang! Il est temps de vous éloigner « des chemins moutonniers qu’on » vous « a tracés » DEPUIS L’ESCLAVAGE! Et il est temps d’en finir avec ce vieux « discours misérabiliste ».
Précisément, vos vieilleries de vieux réacs an tan RENA, cela ne fait plus recette.Et ce constat vous panique. Il faudra vous y résoudre.
Mr. , vous rendrez service à votre pays en gardant silence sur les évènements historiques… Car la Martinique compte suffisamment de docteurs en histoire,de septembristes et de décembristes, de cinéastes réputés pour se passer volontiers de votre « apeuprérisme ».