Tribune – Yves-Léopold Monthieux
L’abominable assassinat des journalistes de Charlie Hebdo et des autres victimes a reçu la réponse qu’il convenait dans les réactions de millions d’hommes et de femmes venus exprimer leur émotion et apporter leur soutien aux victimes et à la liberté de la presse. Cette manifestation exemplaire et inattendue par son ampleur a été à la hauteur de l’évènement et a pu faire douter les porteurs de kalashnikov. Le slogan « Je suis Charlie » y a aidé et c’est tant mieux. Sauf que la maison Charlie s’est trouvée prise de vertige par le triomphe collectif.
Que les survivants du canard aient retrouvé à travers cet élan de solidarité universelle des motifs et des moyens de renaître me paraît naturel et salutaire ; on ne peut pas être choqué notamment que, dans ces circonstances exceptionnelles, l’Etat ait décidé d’apporter une aide financière à Charlie Hebdo. Mais que le journal satirique ainsi revigoré ait eu, en une sorte de défi aux assassins, comme premier souci de se remettre au même niveau de provocation que celui qui avait conduit à ses malheurs, cela constitue une faute qui relève du sadisme et même du masochisme, dont il fait partager les conséquences à son pays et à son peuple. Le gouvernement a eu tort d’accompagner ce moment avec ostentation ; le nombre de Français tués à l’étranger depuis cette riposte de Charlie Hebdo est déjà plus grand celui des victimes déplorées sur le territoire national, tandis que les dégâts ne sont pas moindres dans le domaine de la diplomatie et de la géopolitique.
En effet, au cours des nombreux débats qui ont suivi cette affaire on peut s’étonner qu’aucun observateur n’ait réagi au spectacle de ministres arborant face aux caméras, sourires aux lèvres, la couverture du dernier numéro de Charlie Hebdo dans la cour de l’Elysée, à la fin du dernier conseil des ministres. Comme mû par le même vertige, ce comportement a pu être regardé comme la transformation du soutien de l’Etat en une adhésion au contenu du numéro récidiviste qui met aujourd’hui le feu dans plusieurs pays.
Enfin, un argument revient sans cesse dans cette affaire, celui de la loi. Lorsqu’une loi n’est pas bonne on peut la modifier, la supprimer et en créer une autre. Ou même l’ignorer, comme cela se fait parfois. Il y en a eu de récentes, qui ont su renverser des murs ou avaliser des situations jusqu’alors délictuelles. Certes, il est possible de juger parfaite la loi en vigueur et la conserver. Mais s’y retrancher comme derrière un bouclier pour justifier une position qu’on a du mal à défendre autrement, cela fait faux-cul.
20 janvier 2015
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